DES FRAISES EN HIVER



La gastronomie une affaire d'émotions. Ce n'est pas Marcel Proust qui nous contredira ; les stimuli olfactifs déclenchent des réflexes émotionnels profondément personnels. Ainsi les fumets et les goûts d'un civet, d'un pot-au-feu, d'une tarte aux pommes, d'une madeleine, ou le plus simple des potages peuvent initier des souvenirs évocateurs du passé.

Le temps parlons en ; La gastronomie est affaire de cohérence aussi, de saisons. Enfin... Jusqu'à hier ; lorsque manger des tomates fraîches ou des fraises en hiver était incongrue et histoire de caprice...Sur nos étales aujourd'hui c'est affaire courante mais bien chère tout de même et d'un point de vue écologique tout à fait aberrant. Affaire de cohérence donc mais aussi histoire de patience ; car de la graine au fruit le temps s’est étiré. Que dire du soin particulier que l'on porte à ce que l'on va manger, le respect pour le cochon auquel était réservé un coin de l'étable, une litière propre et une nourriture étudiée, laquelle bête sacrifiée bientôt à la cuisine aux boudins, aux pâtés et autres rôtis....Enfant, je me souviens de cet animal débonnaire ne qui ne sachant quel était son destin suivait son maître comme le chien de la famille.

In mente et corpore

La tomate croquée dans le potager de nos grands-pères, charnue juteuse et gorgée de soleil, le plat concocté dans la cuisine de nos grands-mères, le verre de vin qui l'accompagne, sont des messages que l'histoire nous envoie, notre histoire. La gastronomie est affaire de culture et si elle n'est pas érigée en tant que telle, elle n'en est pas moins porteuse de savoir faire, d'humanisme et de jouissance ! Lorsque j'ouvre une huître c'est un siècle vivant qui me vient ! Le ventre pense, savoure et jouit de la même manière que l'esprit. Et d'ailleurs, ne découvre t-on pas que le ventre est notre deuxième cerveau , tapissé de millions de neurones et que la sérotonine, (un neurotransmetteur très influent sur la régulation de nos émotions) y est produite à 95%!
« Il faut manger pour vivre et non pas vivre pour manger »* 
Se nourrir, c'est répondre à un besoin physiologique essentiel, c'est l'étape fondamentale pour pouvoir accéder aux suivantes et enfin atteindre, -il vaudrait mieux dire ; peut-être atteindre- l'ataraxie, c'est à dire la quiétude absolue de l'âme, idéal du sage, selon l'épicurisme et le stoïcisme. A notre époque, enthousiaste et tragique en même temps , où se côtoient festins et famines, le mot gastronomie pourrait perdre de sa saveur. Et même son sens pourrait-il insulter quiconque ne mange pas à sa faim ou celui qui se nourrit tout simplement pour vivre. Pourtant, l'art culinaire nous apprend aussi que l'on peut tirer plaisir des choses les plus rudimentaires pour peu que l'on ait appris à les accommoder.
Lundi des patates, mardi des patates, mercredi des patates aussi....
Bonjour chez vous!
N.B.




Portraits phytomorphes de Giuseppe Arcimboldo, 
1527-1593 Milan Italie

Articles les plus consultés